
La scène politique congolaise est secouée par une déclaration de poids de l’ancien Président Joseph Kabila Kabange, qui a choisi de briser un long silence dans un contexte particulièrement sensible, marqué par les discussions et les pressions autour de la levée de ses immunités parlementaires par le Sénat de la République démocratique du Congo. Cette prise de parole intervient alors que l’opinion publique et la société civile exercent une pression grandissante pour qu’il soit traduit en justice.
Dans un message empreint de gravité, Joseph Kabila justifie sa décision de « sortir de (sa) réserve » par un impératif moral et historique, face à une situation qu’il décrit comme un enjeu « existentiel » pour la Nation congolaise. «L’enjeu est de taille. Il est même existentiel. Non pas pour ma famille politique ou biologique, moins encore pour ma modeste personne. Mais plutôt pour la Nation congolaise, et pour l’avenir de notre cher et beau pays», a-t-il déclaré, cherchant à transcender les intérêts personnels ou partisans.
Un devoir historique face au « tribunal de l’histoire »
L’argument central avancé par l’ancien Chef de l’État pour justifier sa sortie du silence est l’imminence d’un jugement « devant le tribunal de l’histoire ». Il estime que « continuer à me taire, m’aurait rendu poursuivable… pour non-assistance à plus de cent millions de compatriotes en danger ».
Le diagnostic qu’il pose sur l’état du pays est sombre : la République démocratique du Congo est « gravement malade, et son pronostic vital est engagé ». Bien que son propos ne détaille pas explicitement les maux qui affligent la RDC, l’allusion aux « cent millions de compatriotes en danger » renvoie directement aux crises multidimensionnelles qui secouent le pays : l’insécurité chronique à l’Est, les défis humanitaires, les difficultés économiques, et les tensions sociales. Il s’adresse directement à la population, reconnaissant qu’elle en « fait quotidiennement les frais dans (sa) chair, et (en) paye le prix », cherchant ainsi une forme de proximité et d’empathie avec les victimes des crises.
L’objectif déclaré de Joseph Kabila est de « partager (ses) réflexions et participer ainsi à la recherche de la solution à la crise que traverse notre pays ». Cette formulation le positionne non pas en simple observateur critique, mais en acteur souhaitant apporter sa contribution à la résolution des problèmes nationaux, revendiquant un rôle dans le débat sur l’avenir de la « terre de nos ancêtres ».
La déclaration sous le prisme des immunités parlementaires
La sortie de Joseph Kabila prend une dimension particulièrement aiguisée dans le contexte des pressions exercées pour la levée de ses immunités sénatoriales. Le Procureur Général près la Cour de cassation a requis cette levée afin que l’ancien Président puisse être traduit en justice pour des faits qui n’ont pas été publiquement détaillés, mais qui sont perçus par les organismes de droits de l’Homme comme liés à des « crimes graves ». Parmi ces organismes, l’association nationale des victimes du Congo (ANVC) a d’ailleurs qualifié la « manœuvre dilatoire » du Sénat de « crachat sur la mémoire de millions de victimes », mettant directement en cause Joseph Kabila et Corneille Nangaa.
Dans ce climat, la déclaration de Joseph Kabila peut être interprétée de plusieurs manières notamment : une réponse aux pressions judiciaires; un appel à la sagesse du Sénat; une stratégie de repositionnement politique et une préparation du terrain pour des développements futurs.
La manière dont cette prise de parole de Joseph Kabila sera reçue par la classe politique, la société civile et l’opinion publique sera déterminante. Elle met en lumière la complexité de la transition politique en RDC, où les héritages du passé continuent de peser sur le présent et d’influencer les dynamiques futures. L’attitude du Sénat face aux requêtes du Procureur Général, combinée à cette déclaration de l’ancien Président, dessine un tableau politique où les enjeux judiciaires, mémoriels et politiques s’entremêlent, testant la résilience des institutions démocratiques congolaises.
Rédaction.